Un FG de 55 yards à la dernière seconde a donné la victoire aux Browns (Photo : Evan Siegle)

Le Titanic vert et or naviguait (trop) tranquillement sur le lac Erié, dominant, de manière très suffisante malgré tout, de valeureux Browns en défense. Puis vint l’iceberg et là, en 3 minutes chrono, le Titanic Packers coula à pic pour une défaite aussi moche qu’inattendue.

LE SURPLACE DE L’ATTAQUE

Souvent quand les Packers dominent mais ne concluent pas, je n’aime pas ça car cela se termine invariablement de la même manière : les Packers paient cash leur suffisance. Quand d’autres équipes peuvent compter sur leur destinée pour se sortir de tels guêpiers (les Eagles, on vous voit), les Packers doivent subir le retour de bâton de leur incapacité à conclure et de leur manque de niaque quand il faut « tuer la bête » adverse.

Oh, on ne peut pas dire que les Packers méritaient absolument de gagner car les drives n’ont pas manqué pour l’attaque : 9 drives pour seulement 10 petits points rapportés. Ce fut bien de biens maigres récompenses. Mais les Packers ne méritaient pas plus tant ils n’ont pas pu avancer tout au long du match.

Les stats sont éloquentes : 230 yards offensifs, c’est 100 yards de moins que la moyenne des deux premiers matchs. 10 points marqués au lieu des 27 pts de moyenne sur les deux premiers matchs. Et pourtant l’adversaire, les Browns, était un adversaire bien moins ronflant que Lions et Commanders.

Mais les Packers étaient apathiques en attaque, comme s’ils n’étaient pas réveillés pour ce match à midi, comme s’ils étaient abattus par la chaleur automnale de l’Ohio.

Ce fut d’abord la faillite de la ligne offensive. Les 5 membres de l’OL ont tous été coupables. Tous ont lâché des pressions, et trop souvent depuis l’intérieur, ne laissant trop souvent aucune chance à Jordan Love de trouver ses cibles, lui qui excelle quand il n’est pas sous pression. Là, avec 1,99 secondes donné par jeu de passe, temps évalué statistiquement, ce fut une gageure.

Ce fut sans Zach Tom (RT), blessé dès la première mise en jeu. Une blessure qui m’a mis en colère contre le staff qui a donc très mal évalué sa déchirure musculaire alors qu’il disait lui-même en interview qu’il avait du mal à courir la semaine passée. Après ses dires, je pensais justement qu’il serait exempté jusqu’à la bye week. Il le sera de fait maintenant.

Le pire d’entre eux sera le 1er tour 2024 Jordan Morgan, auteur de plusieurs faux-départs et coupable sur une action décisive de la fin de match. Au fur et à mesure de ses prestations, son investissement de draft commence à être entamé. À sa décharge, il a passé tout un été à se focaliser sur le poste de LT où il était en compétition avec Rasheed Walker.

Désormais, il est le super remplaçant en théorie polyvalent. Mais force est de constater que d’avoir pris le poste de RT à la blessure de Tom et le poste de LG à la blessure de Banks (pour l’instant, lui aussi un mauvais investissement avec ses blessures à répétition) n’est pas aidant. C’est alors aussi une conséquence des choix managériaux que de privilégier une soit-disant polyvalence des joueurs d’OL qui n’est peut-être pas si naturelle que cela dans les joueurs choisis.

Le motif d’espoir est justement dans ces blessures. Banks (LG) est pour l’instant un fantôme (blessé tout l’été et encore en ce début de saison) et il y a clairement aussi un manque de coordination que la DL Browns a mis en lumière.

Une protection de passe passoire, ce fut une nouveauté. D’un coup, l’OL prenait le costume des OL adverses focalisées sur Parsons. Car en effet, l’OL Packers eut trop de mal à juguler Myles Garrett (DE), quand bien même il était double teamé.

Mais ce qui n’a pas changé, c’est l’inexistence de couloirs de courses ouverts pour Jacobs. Celui-ci est le RB qui fait le + de courses avec des yards après contact en NFL tant il est pris tôt par la défense adverse. Sa moyenne de 1,9 yards par course fait peine à voir.

Bref, la ligne offensive fut une calamité comme jamais sous l’ère LaFleur. Et cela questionne aussi sur le recrutement car ce n’est pas comme si le GM n’investissait pas lourdement dans ce secteur.

Photo : Matt Starkey

Mais le plan de jeu mis en place par le head coach a été aussi plus que suffisant. Comme si l’objectif premier n’était pas de marquer des points mais de garder le ballon le plus longtemps possible dans des longs drives qui se sont avérés inefficaces.

Certes, la pression était forte mais GB n’a jamais su attaquer la profondeur. Love restait dans sa poche quand la pression adverse aurait dû lui commander d’être bien plus mobile. Les jeux de course sont ultra attendus (surtout quand des WR se mettent en position de block pré-snap !) et même certains jeux de passe, comme le tracé « out » de Wicks bien poursuivi par Newsome (CB) qui déviait la balle sur 3ème et 9 à l’entrée de la redzone. FG. (0-3)

Mais bon, avec le recrutement de Parsons qui a transformé cette défense, c’est bien elle la défense qui sera le fer de lance des Packers cette saison. Désormais n°1 NFL en terme de points encaissés, celle-ci a continué son récital de pressions, même si elles furent souvent extérieures et plus faiblement intérieures. Tout en restant disciplinée contre la course avec 29 yards encaissés à la course à la mi-temps.

À manger le chronomètre, les Packers n’eurent que 3 drives à se mettre sous la dent en 1ère mi-temps. Et GB saccageait un drive de près de 9 mn en empilant les pénalités offensives et les sacks avant la mi-temps. (0-3 à la mi-temps)

UNE RESPIRATION… PUIS L’APNÉE

Jordan Morgan (LG) démontait à lui seul le drive de reprise des Packers : faux-départ sur 3ème et 1 puis coupable sur le sack qui suivait.

GB se remettait à l’endroit sur son 2ème drive. Enfin. C’est une simple passe écran pour Jacobs (RB) qui déclenchait le mouvement et 31 yards gagnés d’un coup. Puis, après un intérim efficient de E. Wilson (RB) et un « quick post » de Wicks pour 16 yards, GB arrivait aux 3 yards des Browns.

GB tentait bien par deux fois de donner un 12ème match consécutif à un TD de Jacobs. Sans succès mais ce fut pour mieux tromper l’adversaire sur play action à la 3ème tentative. Love était tranquille mais dut attendre un peu une cible : ce fut Fitzpatrick (TE) qui récoltait l’offrande et donnait beaucoup d’air à GB dans ce match à peu de points. (0-10)

D’autant plus que CLE n’y arrivait toujours pas offensivement. Et quand Love trouvait Golden (WR) en « deep out » à 10 mn de la fin, on crut un instant que le rookie allait mettre la balle au fond grâce à sa vitesse. Mais ayant mal apprécié la trajectoire, il perdait l’équilibre sur la réception et dut sortir du terrain, sans montrer néanmoins un énorme effort pour rester dedans. Un symptôme de suffisance ? Une première brèche dans la coque ?

Toujours est-il que les 3 actions suivantes étaient stériles. Avec par deux fois un Jordan Love qui lançait trop haut pour Jacobs dans le « flat », sans qu’on sache si c’était volontaire ou non.

Il restait quand même encore 9 mn 30 et soudain la fine brèche s’agrandissait soudainement. Bullard (CB) manquait son plaquage sur une course de 14 yards de Judkins (RB). Le jeu suivant, le même Judkins enquillait 38 yards avec les ILB Q. Walker et Cooper qui partaient du même côté. Q. Walker, encore lui, n’arrivait pas à plaquer le TE2 et concédait 15 yards au lieu de la moitié.

Bref, le TD semblait inéluctable quand CLE était au 1 yard de GB après une DPI sévère sur Nixon (CB). Et pourtant, après une première play action manquée, le Centre Browns usait d’un « chop block » et faisait reculer de 15 yards son équipe. Et finalement, le FG enquillé sonnait comme une victoire pour GB avec moins de 4 mn à jouer. (3-10)

Il n’y avait plus qu’à enquiller deux first downs et l’affaire était entendue. Mais à la première 3ème tentative (et 3 yards), l’impensable survint. Voulant jouer court pour Wicks, Love ne vit pas le S Delpit, masqué par Kraft (TE), et lança littéralement dans les mains du safety ! Et en plus, Delpit remonta le terrain pour aboutir aux 4 yards de GB !

Cette fois, les Browns ne laissaient pas l’occasion passer. Touchdown de Judkins (10-10).

Il restait 3 mn. GB allait-il se relever de ce K.O. Oui. Après une pénalité justifiée pour « DPI » sur Doubs (WR), Love trouvait aisément Kraft pour 18 yards. GB était en place pour un FG de 39 yards. GB joua la montre avec Jacobs qui recouvra un fumble bien mal à propos. On se serait passé du faux-départ de R. Walker (LT) mais bon, on pouvait avoir confiance en Mc Manus pour marquer le FG de 43 yards.

Mais c’était sans compter sur le bloqueur de FG le + efficace de la ligue depuis 10 ans : le DT Shelby Harris. Celui-ci faisait valdinguer… Jordan Morgan (LG) et contrait le ballon, là encore retourné pour une vingtaine de yards.

En une action, GB perdait l’occasion de gagner le match et donnait l’occasion à son adversaire de remporter la mise avec 21 secondes à jouer et déjà un potentiel FG de 64 yards. Mais il fallait bien avancer un peu pour vraiment espérer. CLE trouva le moyen de grapiller 15 yards en 20 secondes avec Parsons donnant d’abord 5 yards gratuits sur infraction dans la zone neutre et surtout une réception de Njoku (TE) pour 8 yards face à des Packers dépassés.

Il y avait tout de même un FG de 55 yards à réaliser. Mais le destin avait choisi son camp depuis l’interception. Les Browns devaient gagner et faire comprendre aux Packers que le vrai respect de l’adversaire aurait été de les considérer comme une menace permanente. Le FG était réussi et CLE gagnait le match… sans avoir mené une seule seconde !

UNE LEÇON ?

Les Packers, ou comment doucher des espoirs avec des défaites improbables. Celle-ci est intervenue dans un match à moindre enjeu qu’en play-offs. Elle aura d’ailleurs moins d’importance qu’une autre défaite enregistrée contre un adversaire NFC ou NFC North.

Mais c’est une défaite malgré tout et qui était parfaitement évitable. Et je pense que les leçons auraient pu être tirées en ayant quand même empoché la victoire avec le FG de Mc Manus.

Il y a eu faillite de l’OL. Mais cette faillite, certes faite d’une multitude de duels perdus et de pénalités concédées, reflète aussi les décisions managériales pour cette unité. Que ce soit les choix de joueurs (Morgan, Banks) ou les choix tactiques (polyvalence prônée jusqu’à la corde avec un Morgan baladé sur tous les postes hormis Centre, E. Jenkins replacé en Centre à l’inter-saison).

La suite de la saison nous dira si la prestation de l’OL était avant tout due à la valeur de la DL Browns ou non. En tout cas, les Browns ont appliqué une recette connue de tous : avoir une grosse DL permet de bien couvrir le terrain derrière. Et Love, dépourvu de temps et de sérénité, n’a pas pu s’exprimer et cela l’a même sûrement influencé dans son choix déplorable amenant à l’interception.

Cette fin de match m’a furieusement fait penser à la finale NFC 2014 de sinistre mémoire. J’ai reconnu le même naufrage aussi soudain qu’inattendu dont on retiendra l’action principale (le fumble de Bostick, l’interception de Love) mais qui est aussi la combinaison improbable de certains jeux et le symptôme d’une équipe n’ayant pas réussi à tuer le match quand elle en avait l’occasion.

Et cette incapacité traditionnelle à « tuer le match », Matt LaFleur la fait perdurer en étant trop frileux quand le match se déroule plutôt facilement. Déjà vu dans les 3ème quart-temps des deux premiers matchs, cette absence de sentiment d’urgence a envoyé Josh Jacobs au carton de trop nombreuses fois et vu des jeux en théorie originaux être anticipés (reverse de Golden, wildcat de S. Williams, « out » de Wicks).

L’attaque des Packers n’est pour l’instant pas au niveau de sa défense. Celle-ci est impériale mais me semble être un colosse aux pieds d’argile. Si Parsons se blesse, pas sûr que l’édifice ne se casse pas la figure. On l’a vue en fin de match où la fatigue de la DL et de son joueur n°1 a exposé les coéquipiers derrière. Mais en l’absence d’entrainement estival, on peut se douter que la désormais star de la défense Packers va monter en puissance. En tout cas, son arrivée a bien bénéficié à son coéquipier Rashan Gary (DE), actuel leader en sacks (4,5) de toute la NFL. Du jamais vu pour un Packer depuis Clay Matthews en 2012.

LES STATS

CLEVELAND BROWNS :

  • Joe Flacco (QB) : 21/36 à la passe, 142 yards, 1 INT, 55.6 rating
  • Quinton Judkins (RB) : 18 courses, 94 yards, 5.2 yards par porté
  • David Njoku (TE) : 5 réceptions, 40 yards
  • Malliek Collins (DT) : 2 plaquages, 3 plaquages assistés, 1 plaquage pour perte, 1,5 sack, 2 QB hits
  • 1 turnover
  • 221 yards offensifs
  • Efficacité en 3ème tentative : 31 % (4/13)
  • Efficacité en 4ème tentative : 50 % (1/2)
  • Efficacité en redzone : 50 % (1/2)
  • 8 pénalités pour 90 yards concédés
  • 26 mn de possession de balle

GREEN BAY PACKERS :

  • Jordan Love (QB) : 18/25 à la passe, 183 yards, 1 TD, 1 INT, 89.2 rating
  • Josh Jacobs (RB) : 16 courses, 30 yards, 1.9 yards par porté, 1 TD
  • Matthew Golden (WR) : 4 réceptions, 52 yards
  • Rashan Gary (DE) : 3 plaquages, 2 sacks, 2 plaquages pour perte, 3 QB hits
  • 1 turnover
  • 230 yards offensifs
  • Efficacité en 3ème tentative : 56 % (10/18)
  • Efficacité en 4ème tentative : 0 % (0/0)
  • Efficacité en redzone : 50 % (1/2)
  • 14 pénalités pour 75 yards concédés
  • 34 mn de possession de balle

LE MOMENT DU MATCH

  • Évidemment l’interception de Love à 3 mn de la fin du match remet les Browns dans le match en les mettant en position d’une égalisation aisée ; mais je retiens aussi la réception de Golden (WR) que le rookie ne maintient pas dans le terrain, se privant d’un possible TD et d’un 17-0 pour GB à 10 mn de la fin.

LES DÉTAILS QUI TUENT

  • Selon ESPN Analytics, les Packers avaient 93 % chances de gagner à 4 mn de la fin du match.
  • Un tel scénario, qu’une équipe ayant marqué 0 pt et devant remonter au moins 10 pts pour gagner dans les 4 dernières minutes, n’était pas arrivé en NFL depuis 2011
  • Fin d’une série de 8 défaites consécutives pour les CLeveland Browns

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