Super Bowl LIII : La rengaine Patriots

Choc des générations, cette affiche Los Angeles Rams – New England Patriots promettait un choc où, fait assez rare pour le souligner, les Patriots partaient loin d’être favoris après une saison qui les a vu balbutier leur football en début de saison avant de monter tranquillement en puissance. Ils faisaient face à l’équipe en vogue de la NFC, les Los Angeles Rams, jeune équipe pleine de talent coaché par le plus jeune entraineur qui ait atteint le Super Bowl : Sean Mc Vay, 32 ans. Retour sur un choc qui fait « pschht » et digressions habituelles sur nos chers Packers.

LES BÉLIERS ENFONCÉS

Ah ça, on allait voir ce qu’on allait voir, les jeunes béliers allaient tamponner le fort des patriotes. Il est vrai que les Rams étaient la sensation de la saison régulière, ou plutôt la sensation de la première moitié de la saison 2018.

Tout le monde encensait la révolution du coaching de Sean Mc Vay quand les Rams affichaient fièrement un 8-0 à leur bilan de mi-saison, leur 8ème victoire de la saison ayant été obtenue face à des Packers qui avaient su ralentir l’attaque des béliers. La balle était donnée à Aaron Rodgers pour qu’il mène GB à la victoire avec 2 mn à jouer et 40 yards à remonter au minimum pour que Crosby (K) tente le FG qui aurait infligé le premier revers de la saison aux Rams.

On le sait, Montgomery (RB) voulut jouer aux héros et le n°12 n’eut même pas les moyens de se battre. Mais pour les Rams, le couperet allait tomber la semaine suivante chez les New Orleans Saints 45 à 35.

Alors que l’entraineur prenait toute la lumière, c’était oublier qu’avant toute chose le jeu des Rams reposait sur la base du football américain : le jeu de course, et plus particulièrement celui de Todd Gurley. En utilisant les fondamentaux du football, Mc Vay a mis des déguisements à cette base bien connue. Les courses Rams sont souvent le cadre de nombreux mouvements de joueurs pré et post mises en jeu, afin de brouiller le plus possible les pistes. Mais la base reste bien… basique.

Or, il semble bien que tous ces costumes d’apparat ont commencé à être bien analysés par les adversaires, car la machine Rams, et en particulier le jeu de course de Todd Gurley a sérieusement ralenti au fur et à mesure que la saison avançait. Parti sur des énormes bases (100 yards de moyenne par match sur les 8 premiers matchs), Gurley a vu sa moyenne de yards bien ralentie avec 75 yards de moyenne sur les 6 matchs suivants avant de manquer les 2 derniers matchs pour un genou douloureux.

Le coureur remplaçant, et tout juste recruté, CJ Anderson ne put qu’assurer le strict minimum (44 yards) en finale de conférence chez les New Orleans Saints. Et on a vu qu’une grossière erreur d’arbitrage a probablement privé les Saints du Super Bowl.

Et ce n’est pas le QB Jared Goff qui peut prendre cette équipe Rams sur ses épaules. On l’avait pressenti déjà sur le match contre les Packers, le Super Bowl l’a clairement mis en lumière. Les déguisements tactiques étant sans efficacité, le jeu de course annihilé, Goff ne put s’extraire de la défense des Patriots, d’autant plus que sa ligne offensive avait décidé de jouer les « portes de saloon » face au pass-rush Patriots. L’OL Rams fut très très faible.

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Le QB des Rams Jared Goff fut constamment mis sous pression

Résultat : les Rams n’ont pas pu pénétrer dans la zone rouge (20 derniers yards adverses), la tutoyant seulement dans leur dernier drive où les Patriots jouaient une défense « soft », aboutissant au final à un field goal manqué à 1 mn de la fin. Le drive Rams précédent, Goff s’était fait intercepté en lançant des 27 yards Patriots.

Comme le temps passe vite en NFL, la question de faire de Goff le « franchise QB » des Rams peut être posée. Il n’est pas le moteur de l’attaque de Los Angeles et vient de finir (déjà) sa 3ème année NFL. Après la prochaine saison 2019, les Rams pourront exercer la 5ème année optionnelle dévolue aux joueurs draftés au 1er tour mais celle-ci s’élèvera à 28 M de $, de quoi plomber le salary cap des Rams qui a pu faire des acquisitions récentes en défense notamment, grâce au contrat rookie peu coûteux de leur QB. Les Rams ont encore 2019 en année bonus, mais la fenêtre pourrait se terminer après l’année prochaine si Goff était conservé, maintenant qu’Aaron Donald (DE) est le joueur défensif le mieux payé de la NFL.

La saga Rams pourrait vite s’éteindre à l’instar de nombreux feux de paille NFC ne s’inscrivant pas dans la durée (Eagles 2017, Falcons 2016, Panthers 2015) dans une NFL qui, désormais, par son système de salary cap, par la convention actuelle propriétaires-joueurs et par la flambée des salaires des QB et des pass-rushers, ne permet plus à des équipes de briller ne serait-ce que sur le moyen terme. À l’exception d’une. Les New England Patriots, encore et toujours.

LE CAMÉLÉON PATRIOTS

Les Patriots, et la connexion Belichick – Brady, remportent donc leur 6ème Super Bowl depuis l’an 2000. L’entraineur et le QB forment ainsi la paire la plus titrée de l’histoire de la NFL.

Après un match plutôt terne, les Patriots ont donc étouffé l’attaque des Rams grâce notamment à une prestation cataclysmique de l’OL Rams. Certains qualifieront le score de 13-3 de match défensif. Je dirais plutôt que les attaques ont été médiocres, n’ayant chacune pas réussi à installer leur jeu de course. Ce fut plus criant pour les Rams qui n’ont cumulé que 57 yards par leurs deux coureurs mais les Patriots aussi ont peiné sur les phases de jeu au sol. New England n’a gagné que 70 yards à la course par leurs deux coureurs principaux avant leur dernier drive du match, celui finalisé par le field goal portant le score à 13-3 et scellant le match. Dans ce drive destiné à « manger » le chronomètre, les deux RB Michel et Burkhead alignèrent chacun une course de 26 yards.

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Cette réception de Gronkowski (TE) sur une passe lobée de Brady est l’action du match. Bien maigre…

Et comme à chaque victoire Patriots, l’éternelle question de la poule et de l’oeuf revient. Brady est-il vraiment le meilleur QB de tous les temps, comme on pourrait le dire si on se réfère à ses 6 titres de champion ? Ou est-ce Belichick qui est un formidable maître à jouer ?

J’ai trouvé des statistiques intéressantes et peu publiées il me semble. Voici ce qu’elles en disent :

Résultats des matchs de play-offs depuis 2001 où le QB a une évaluation statistique (rating) en-dessous de 78,5  :

  • Tom Brady : 9 victoires – 4 défaites
  • Autres QB de la NFL : 9 victoires – 72 défaites

Résultats des matchs de play-offs depuis 2001 où le QB envoie plus d’interceptions que de touchdowns :

  • Tom Brady : 6 victoires – 4 défaites
  • Autres QB de la NFL : 4 victoires – 51 défaites

Alors, certes, il ne faut jamais faire complètement confiance aux statistiques, mais tout de même, le différentiel est assez criant. Qu’est-ce que cela montre ?

Pour moi, que le quarterback des Patriots est loin d’être le seul responsable du succès de New England en play-offs depuis 2001. Que Bill Bellichick, entraineur en chef mais également manager général de l’équipe, a su constituer depuis presque 20 ans un savant alliage de coéquipiers qui ont su entourer le QB, notamment d’une défense et d’une ligne offensive de qualité. Belichick ne fait pas des drafts de folie mais sait utiliser le marché des transferts à bon escient. Il comble les trous de son effectif avec des joueurs souvent jugés individualistes, finis ou à mauvais caractère, le tout à prix plus que raisonnable, et souvent en contrats courts. Mais bizarrement, sous la houlette de Belichick, les loups se transforment en agneaux et ils contribuent comme parfois rarement dans leur carrière. Les exemples récents de Martellus Bennett (TE) ou de Legarette Blount (RB) me viennent en tête.

Statistiquement, la défense des Patriots était moyenne en 2018, mais c’est la même qui a complètement étouffé les Los Angeles Rams. Pensez donc, 3 pts marqués par les Rams au Super Bowl quand leur moyenne en saison régulière frisait les… 33 pts ! Il fallait le voir pour le croire..

Cela montre que Bill Belichick sait assembler une équipe au prix le plus juste mais aussi qu’il sait préparer son équipe face à ses adversaires. L’entraineur des Rams Sean Mc Vay a été surclassé. Comme beaucoup d’autres. Mais pas tout le temps. De son propre aveu, Belichick a reconnu la belle maîtrise de Mike Mc Carthy (si, si, je vous l’assure) dans la victoire des Green Bay Packers face aux New England Patriots lors de la saison régulière 2014.

Évidemment, avec l’affaire du « Spygate », la réputation de génie de Belichick en a pris un coup. Le « Spygate » est une affaire d’espionnage vidéo découvert lors d’un match du début de la saison 2007 des Patriots face aux New York Jets, où le « vidéaste » opérait du côté du bord de touche des Jets, ce qui est formellement proscrit par la NFL.

Après une longue enquête, Belichick fut condamné à 500.000 $ d’amende, fit des excuses publiques, et les Patriots furent privés de 1er tour de draft 2008. Si en apparence, les sanctions ont paru importantes pour cet espionnage pris sur un match, c’est en fait un vaste système que beaucoup d’ex-assistants des Patriots auraient témoigné à divers journalistes (Boston Herald, ESPN). au final, rien n’a pu émerger de plus, et beaucoup attribuent cela au commissaire de la NFL Roger Goodell, toujours en place actuellement, qui a atteint ce poste avec l’appui du propriétaire des Patriots, Robert Kraft. Les diverses enquêtes complémentaires n’ont pas abouti mais divers témoignages attestent que les Patriots auraient agi ainsi en toute impunité de 2000 jusqu’à ce qu’ils soient pris la main dans le pot de confiture en 2007.

Difficile de croire en effet que les Patriots se soient fait pincer sur leur première tentative de triche… L’entraineur en chef des St Louis Rams en 2001 Mike Martz a toujours dit que lors du Super Bowl de cette année-là, c’est comme s’il avait l’impression que les Patriots avaient connaissance de toutes leurs tactiques… ce qu’un ancien assistant, licencié en 2002 par les Patriots, a confirmé auprès de Roger Goodell, vidéos à l’appui. Le commissaire de la NFL n’a alors pas jugé bon d’en rajouter, les vidéos ne concernant pas l’équipe des St Louis Rams, malgré ces nouveaux éléments tendant à prouver un esprit anti-sportif bien ancré…

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Tom Brady (à gauche) et Bill Belichick (à droite), unis pour le meilleur

Reprenons les statistiques de Tom Brady évoquées un peu plus haut, et comparons-les à notre cher n°12 Aaron Rodgers.

Brady a fait 40 matchs de play-offs depuis 2001, Rodgers 16 depuis 2009.

Dans ces 40 matchs, Brady a donc eu 13 matchs où son évaluation statistique a été inférieure à 78,5. Aaron Rodgers n’en a qu’un, à 77,9 (!) : la défaite dans le match de division 2015 chez les Arizona Cardinals où Rodgers, malgré l’absence de ses 3 meilleurs WR (Nelson, Cobb et Adams) fit une fin de match héroïque. Donc bilan dans cette situation : Brady – 9 victoires, 4 défaites ; Rodgers : 0 victoire – 1 défaite.

Dans ces 40 matchs, Brady a envoyé plus d’interceptions que de touchdowns dans 10 matchs, pour un bilan de 6 victoires et 4 défaites. Sur ces 16 matchs, ce n’est jamais arrivé à Aaron Rodgers alors que le bilan en play-offs du n°12 est de 9 victoires et 7 défaites.

Je pense qu’on peut clairement dire que Brady a été beaucoup plus faillible en play-offs que Rodgers, mais il a été mieux entouré.

Retrouvons ces matchs de play-offs. Quid de la défense ? J’ai pris une mesure, celle des 30 points encaissés. Pour les Patriots, c’est arrivé 5 fois sur 40 matchs, soit 12,5 % du temps. Pour les Packers, c’est aussi arrivé 5 fois… mais sur 16 matchs, soit 31,5 % du temps.

Pour aller encore plus loin, Rodgers a perdu 4 matchs de play-offs avec une défense qui a encaissé 37 points ou plus. Soit 25 % des matchs disputés en play-offs par Aaron Rodgers. Ces défaites ont annihilé les campagnes de play-offs 2009, 2011, 2012 et 2016.

Pour Tom Brady, seulement 2 fois sa défense a subi 37 points ou plus, soit… 5 % des matchs de Brady en play-offs. Brady n’étant pas plus magicien que Rodgers, ces deux matchs furent soldés par deux défaites, l’une clôturant la campagne Patriots 2006 en finale de conférence contre les futurs champions Indianapolis Colts, l’autre étant tout simplement la défaite du Super Bowl de la saison 2017 face aux Philadelphia Eagles.

Brady ne doit donc pas récolter tous les lauriers de la saga Patriots. C’est peut-être le demi-message passé dans le choix du « meilleur » joueur de ce Super Bowl, Julian Edelman. Savoureux moment que de donner le titre de meilleur joueur du match le plus important de la saison NFL à un joueur suspendu pour 4 matchs en début de saison pour violation des règles anti-dopage. Quand on vous dit que les Patriots aiment flirter avec l’illégal…

Et ce n’est pas leur propriétaire Robert Kraft qui vous dira le contraire, actuellement mis en cause comme client d’un réseau de prostitution, le proprio aurait fauté en Floride… quelques heures avant d’aller assister à la finale AFC 2018 à Kansas City ! C’est sûr qu’il devait être moins stressé tout d’un coup le Robert… Kraft plaide non coupable mais les vidéos des policiers qui menaient une enquête plus large sur ce réseau semblent l’accabler. Enfin…

Est-ce que la NFL est devenue une ligue où ce sont les Patriots qui gagnent toujours à la fin ? Bien heureusement non, mais leur régularité à ce haut niveau peut susciter au choix de l’admiration, du respect, de l’amertume ou du dégoût. Les Patriots divisent le monde des fans de la NFL qui est largement anti-Patriots.

Tom Brady, le meilleur QB de tous les temps ? 6 titres certes mais les explications ci-dessus permettent de mettre le sujet en discussion. Le légendaire Dan Marino, QB des Miami Dolphins dans les années 80, n’a aucun Super Bowl à son actif mais est toujours dans les tablettes des QB les plus prolifiques offensivement, en restant le seul QB avant 2000 à être dans ces classements…

Bill Belichick, meilleur entraineur de tous les temps ? Prenez-le comme vous voudrez mais quand il prend les rênes des Patriots, Belichick a Drew Bledsoe en quarterback et celui-ci se blesse en début de saison 2001. Sur un choc causé par un linebacker des New York Jets, un vaisseau sanguin se rompt dans la poitrine de Bledsoe. Pendant que Bledsoe était évacué avec un pronostic vital engagé, Brady rentrait sur le terrain en ce jour de septembre 2001.

Quasiment 18 ans plus tard, le gamin chétif et lent comme un escargot du combine de la draft 2000 règne en mâitre sur la NFL. Ah, et avant que Brady ne devienne son QB par accident, Belichick avait un bilan… de 5 victoires et 13 défaites, et n’était pas loin d’être licencié par le propriétaire Robert Kraft. Mais l’histoire a changé de forme et le trio magique ou maléfique, c’est selon, a continué…

LES STATS

 

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Los Angeles :

  • Jared Goff (QB) : 19/38 à la passe, 229 yards, 1 INT
  • Aaron Jones (RB) : 10 courses, 35 yards, 3.5 yards par porté ; 1 réception, – 1 yard
  • Brandin Cooks (WR) : 8 réceptions, 120 yards
  • Cory Littleton (ILB) : 6 plaquages, 4 plaquages assistés, 1 INT, 2 passes déviées
  • 260 yards pour l’attaque (366 yards de moyenne en saison régulière)
  • 1 seul sack pour l’équipe
  • 9 pénalités
  • Efficacité en 3ème tentative : 23 %
  • 27 mn de possession de balle

 

New England :

  • Tom Brady (QB) : 21/35 à la passe, 262 yards, 1 INT
  • Sony Michel (RB) : 18 courses, 94 yards, 5.2 yards par porté, 1 TD
  • Julian Edelman (WR) : 10 réceptions, 141 yards
  • 10 receveurs différents
  • Jonathan Jones (CB) : 6 plaquages, 2 plaquages assistés, 1 sack, 1 plaquage pour perte
  • Stefon Gilmore (CB) : 5 plaquages, 1 INT, 1 fumble forcé, 3 passes déviées
  • Donta Hightower (ILB) : 2 plaquages,  2 sacks, 1 passe déviée
  • 4 sacks pour l’équipe
  • Efficacité en 3ème tentative : 25 %
  • 33 mn de possession de balle

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