Finale NFC 2020 : 1 mn 30 en enfer

L’inconcevable touchdown Buccaneers à 1 seconde de la mi-temps (Photo : Morry Gash)

La défaite des Packers en finale NFC a de multiples explications, plus ou moins rationnelles. La principale est un trou noir de 1 mn 30 à cheval sur les deux mi-temps. Une minute trente pendant lesquelles les Packers ont commis leurs 2 turnovers du match, encaissé un invraisemblable touchdown à la dernière seconde de la première mi-temps et passer d’un déficit de 4 pts à 18 pts. Récit.

ACTE 1 : L’INTERCEPTION QUI N’AVAIT PAS LIEU D’ÊTRE

Le score est de 14 à 10 pour les Tampa Bay Buccaneers. Il reste 2 mn 20 en première mi-temps et Za’darius Smith (OLB) vient de mettre la pression sur Tom Brady sur 3ème tentative, obligeant les Bucs à leur 2ème punt du match sur leur 4ème drive. Aaron Rodgers récupère le ballon avec 2 mn 10 restantes dans cette première période pour remonter 87 yards. Avec deux temps morts, les Packers n’accélèrent pas et on croit que la machine est enclenchée quand Rodgers trouve Lazard plein centre pour 23 yards. Dès lors, marquer semble être possible. Mais de suite, Turner (LT) se fait battre par Pierre-Paul (DE) qui sacke Rodgers obligeant GB à prendre son second temps mort.

Il reste 32 secondes, encore 60 yards à parcourir et un seul temps mort. La situation de passe est évidente sur une 2ème et 18. Adams arrive à se libérer le long de la ligne mais Rodgers vise au centre du terrain Lazard qui a effectué un timide « double move », mais suffisant pour se démarquer de son garde du corps Murphy-Bunting (CB). Mais ce dernier agrippe de suite l’épaulière du n°13 Packers, récupérant son retard sur le WR avant de se servir de cette même épaulière pour se lancer au-devant de Lazard et s’interposer entre lui et le ballon : interception. Le mouvement semble subtil à vitesse réelle mais un arbitre de touche a le bon angle pour juger. Le mouchoir de pénalité ultra-logique sur cette action ne sera pas dégainé. Dans ce match où les arbitres ont clairement laissé le jeu se faire, cette action non pénalisée est malgré tout un tournant du match contraire au sens du jeu. Car clairement, l’interception n’aurait jamais eu lieu sans le holding flagrant et prolongé du CB.

Le CB (n°23) rattrape son retard sur Lazard (n°13) par la prise de l’épaulière…

… avant de se servir de cette même épaulière pour passer devant Lazard et se permettre d’intercepter un ballon qu’il n’aurait jamais eu sans commettre de faute.

ACTE 2 : L’INTERCEPTION QUI AURAIT DÛ ÊTRE FAITE

Après cette interception, les Buccaneers récupèrent le ballon au milieu du terrain à 28 secondes de la mi-temps avec 2 temps morts. Brady trouve d’abord en passe checkdown son RB Fournette. Le n°12 Bucs manque ensuite Evans (WR) marqué par Alexander (CB). Sur la 3ème tentative, Preston Smith prend de vitesse le LT pour se retrouver face contre Brady. Ce dernier, au lieu de prendre le sack, décide de compter sur sa bonne étoile et balance une « saucisse » dans l’air de Lambeau Field. Le ballon reste longtemps en l’air. Redmond, positionné en FS, est bien attentif et se précipite du côté du lancer. Il est le seul à avoir lu la trajectoire, personne n’est en opposition à lui et il arrive à temps sur le ballon. Mais inexplicablement, le panier qu’il forme avec ses bras est percé : le ballon lui passe entre les bras. Une interception toute faite est manquée par GB alors qu’à ce moment du match, TB n’a pas encore effectué de turnover.

3ème et 4 : Preston Smith (n°91) prend de vitesse le LT (n°78) pour presser Brady qui lance le ballon…

… de manière désordonnée ; le ballon reste très longtemps en l’air, Redmond est présent à sa retombée mais manque l’interception toute faite !

Sur le coup, on ne regrette pas trop ce loupé de Redmond. Il ne reste que 13 secondes à jouer, Rodgers n’aurait pas eu le temps de faire quoi que ce soit et les Buccaneers sont en 4ème tentative. Comme ils sont à un potentiel FG de 62 yards, TB tente logiquement la 4ème et 3. Brady ne force pas et trouve Fournette (RB) en checkdown, doublement plaqué par Kirksey (ILB) et Barnes (ILB) mais pour 2 yards, le first down est converti. Temps mort de Tampa Bay. Son dernier.

 

ACTE 3 : L’IMPENSABLE TOUCHDOWN

 

Vous le voyez au tableau d’affichage de Lambeau Field. Il reste 6 secondes et Tampa Bay n’a pas PLUS  DE TEMPS MORT alors qu’ils sont sur les 39 yards de GB (soit un FG potentiel de 56 yards). Dans la froideur de Lambeau, les Bucs ne tentent pas un hypothétique FG effectué par un kicker pas habitué à taper dans une brique glaciale. Six secondes, c’est pour moi trop court pour lancer l’action, convertir par une réception courte ET surtout se rassembler en alignement à 11 pour « spiker » le ballon. Pour moi, la situation de passe pour le TD m’apparaît comme la plus évidente à ce moment-là. Et pourtant…

La situation de passe profonde est pour moi évidente. Quand bien même, les Bucs tentent le risque passe courte – réception – alignement – spike en 6 secondes, ils peuvent viser à 5 – 10 – 15 yards, on s’en fout, le FG sera plus ou moins difficile, la défense peut voir venir en étant moins près de la ligne de mise en jeu. 4 joueurs sont au « rush » (Gary n°52, Z. Smith n°55, Clark n°97, P. Smith n°91). Derrière, un ILB (n°51) et 6 joueurs de lignes secondaires, mais seul Redmond n°25 (Redmond !) est en vraie couverture (Cover-1 donc). Et on constate que 10 des 11 défenseurs Packers sont dans les 10 yards devant cette même ligne. Dans une telle situation, nombre de fois au milieu d’un quatrième quart-temps avec GB menant largement, les lignes secondaires sont décrochées loin derrière l’ILB.  Mais pas là.

Rappelez-vous, il reste un temps mort à GB. Ni Matt LaFleur, ni Mike Pettine, ni un joueur (ce qu’Adrian Amos n°31 regrettera) ne réalise l’inadaptation de la formation et ne demande un temps mort. Les Packers ne se prémunissent pas d’un « big play » alors que le « play secure » de Tampa Bay n’a quasiment aucune chance d’être appliqué (6 secondes à jouer sans temps mort !).

Brady lance. Les 5 joueurs de son OL, aidés du TE Brate, ont bloqué les 4 rushers Packers. Le gros problème, ce sont les deux Packers dans l’entre-jeu, Barnes et Savage (Savage !) sont dans l’entre-jeu et ne servent strictement à rien : ils n’ont pas rushé, et couvrent la fameuse option fantôme du FG. Résultat : c’est désormais du 3 contre 5 en profondeur. Alexander n°23 est sur son île en bas de l’écran couvrant le WR Evans. L’autre WR Godwin au centre est doublement couvert par Sullivan n°39 et Amos n°31, voire triplement avec Redmond n°25 au près à 10 yards de ses deux coéquipiers.

Reste Kevin King n°20 en un contre un contre Scott Miller, une sorte de Tyreek Hill blanc (et donc ultra-rapide). Au moment du lancer de Brady, King s’est retourné et est encore en bonne position devant son receveur. Mais il est seul, le seul safety est trop loin. GB n’a pas dû regarder des vidéos de Tampa puisque les Bucs ont rejoué le même jeu, exactement le même jeu (!) qu’en semaine 7 chez les Oakland Raiders, au même endroit à quelques yards près, et au même moment du match, à quelques secondes près, pour le même résultat : VIDÉO.

Et évidemment, qui a été mis au marquage de ce « speedy » WR ? Kevin King, notre CB le plus lent. Il a pourtant bien fait son demi-tour et a encore 1 yard d’avance au moment du lancer de Brady. Mais Brady ne regarda que du côté de Miller tout au long du déroulement de ce jeu et il ne va pas se priver de lancer le plus loin possible pour que Miller rattrape et dépasse King. Cela fut fait aisément, King terminant 2 mètres derrière le n°10 Bucs qui put récolter le ballon sans aucune contestation… à 1 seconde de la mi-temps.

Réception de Miller (n°10) qui a largué King (n°20). Redmond (n°25) est trop loin.

Alors que Rodgers et Adams discutaient juste avant l’action, peut-être de la stratégie de la seconde mi-temps, le score venait de passer de 14-10 à 21-10 pour les Bucs au terme d’une des formations défensives les plus improbables qu’il m’ait été donné de voir de la part des Packers. Et dieu sait qu’en bêtises défensives, l’histoire des Packers en regorge.

 

ACTE 4 : LE FUMBLE QUI ACHÈVE

De – 4, les Packers repartaient aux vestiaires  avec un – 11 dans les musettes. Mais les Packers repartaient balle en main en seconde mi-temps. Ce qui aurait pu permettre à GB de repasser devant sert désormais à combler l’écart.

On sent dès les premières secondes le sentiment d’urgence des Packers qui leur fera sous-utiliser le jeu de course. Les deux premières tentatives sont des situations de passe où Rodgers ne trouve pas de cible et se rabat sur Aaron Jones en soupape de sécurité. Réussi pour 5 yards la première fois, manqué la seconde. Sur la 3ème et 5, c’est une nouvelle fois Aaron Jones qui est visé sur un tracé « drag » traversant le terrain dans sa latéralité. Après avoir semé Devin White (LB) grâce au « trafic », Jones maîtrise mal sa réception avant de se prendre de plein fouet le safety Bucs Whitehead. Le choc est violent : ce sera la dernière action pour les deux protagonistes ; Aaron Jones blessé à la poitrine, Whitehead à l’épaule.

Conséquence du choc, Aaron Jones perd la balle avec que des maillots blancs autour. C’est Devin White, celui qui avait été semé sur l’action, qui récupère le cuir et remonte le terrain sur 21 yards avant d’être poussé en dehors des limites par Patrick (RG) et Jenkins (LG) à 8 yards de l’en-but des Packers.

Pour bien appuyer la tête sous l’eau des Packers, dès la première action, les Bucs fructifiaient le turnover. Sur une nouvelle action incompréhensible de la défense. Sur la 1ère et 8, à part King isolé sur un côté avec Evans (WR), toute la défense mordait à la « play action » de TB, même Amos (n°31) placé en dernier défenseur. Ni lui, ni Alexander (n°23) ne s’attardent sur le TE Brate qui passe à côté d’eux vers le fond de l’en-but. Le TE complètement seul, la connexion pour le TD n’était plus qu’une formalité. Après 1 mn en seconde mi-temps, le score passait à 28-10 pour les Buccaneers. Dans 1 mn 30 entourant la mi-temps, dans cette période si critique que GB avait maîtrisé toute la saison, les Packers venaient de manger 14 points.

La dernière action 2020 d’Aaron Jones fut un fumble

On crut que c’en était fini et que la seconde mi-temps allait être une purge pour les Packers. Mais avec 2 drives Packers ponctués de TD et 3 drives Buccaneers ponctués d’interceptions, l’espoir renaissait. On connaît la suite, d’autres actions cruciales allaient faire basculer le match en la faveur de Tampa Bay (à paraître prochainement), au grand dam des cheeseheads. Mais cette période charnière restera le principal coup de pioche du trou dans lequel GB allait tomber.

 

 

 

1 Comment

  1. DavidBrillac

    Après ce terrible TD concédé par le roi des CB, je me revois hocher la tête sans discontinuer de gauche à droite, après les multiples ralentis de la Fox, en revoyant encore et encore King et ses grands mouvements de bras façon moulin à vent ou moulinette, pour essayer d’avancer plus vite pour rattraper le speedy Gonzalez qui l’a semé 😵

    Bravo pour le décorticage du naufrage de cette fameuse 1mn30.
    Je n’ai pas souvenir d’action à ce point détaillé sur GBPF, et je perçois une colère légitime, après un énième échec Packers.

    La bonne nouvelle 🙆 Mennenga viré, Pettine viré, la brêle King contrat terminé, trois boulets en moins dans la galaxie Packers.
    Nouveau départ pour la défense avec un nouveau coach et un autre CB, qui ne fasse pas honte au monstre Alexander de l’autre côté.

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